Parmi les techniques de jeu les plus redoutables se trouvent celle de la bascule. L'idée est simple quand on l'a comprise mais pas toujours acquise par l'ensemble des artistes : si l'on veut faire une ellipse ou un changement de lieu, la meilleure solution reste de faire un nouveau plateau avec les personnages de la nouvelle scène.

Ce que l'improvisateur·rice doit comprendre

Vous êtes dans une histoire lambda. Imaginons une princesse enfermée dans un donjon, gardée par un dragon. C'est notre première scène. On va bien devoir s'occuper un peu de notre preux chevalier et changer de lieu. Le chevalier vient donc en avant-scène, sans jouer avec la princesse et/ou le dragon, et présente son personnage ("oh si seulement j'avais une princesse pour m'aimer bla bla bla trucs relous de chevaliers"). Cette bascule aura permis un changement de lieu fluide.

Deuxième possibilité : le chevalier galère à trouver la princesse. Une bascule se fait, on voit de nouveau la princesse mais elle a 80 ans et elle attend toujours son chevalier. On a ainsi pu faire une ellipse de temps qui nous aura permis de faire avancer l'histoire sans briser la compréhension. Si l'improvisatrice qui incarne la princesse était restée sur scène et avait vieillie instantanément de 60 ans, personne n'aurait comprit la proposition (ou il aurait fallu l'appuyer très lourdement : "oh mon dieu je vieillis à vue d'oeil, nous voilà 60 ans plus tard"... c'est pas bon hein ?).

Ce que voit le public

Il y a de nombreux codes permettant d'effectuer une bascule et qui rendent différemment pour le public :

  1. Bascule sonore : on tape un grand coup sur le bord de la scène pour faire comprendre aux comédien·ne·s sur scène de s'en aller et laisser la scène aux autres.
  2. Bascule avec annonce : cf les annonces. Grossièrement, cette fois-ci c'est la voix d'un ou d'une improvisatrice qui propose la bascule ("60 ans plus tard, dans le donjon de la princesse").
  3. Bascule visuelle : c'est celle qui a l'air la plus compliquée mais la plus propre selon nous. Il suffit, sans faire de bruit quelconque, que les comédien·ne·s qui interprètent la scène suivante se placent devant celleux qui jouent, sans les regarder. À l'écoute, celleux de derrière s'éclipsent et la transition se fait en douceur. Waaaaaaah.

Pour changer de lieu, certain·e·s font un tour sur elleux-même. On n'en parlera pas ici car ce n'est pas une bascule, dans le sens où il n'y a pas réellement de bascule du plateau puisque ce sont les mêmes artistes qui restent en scène.

Cool

  • Quand une impro patine : on relance avec de nouveaux décors, personnages...
  • Pour faire avancer l'histoire : au lieu de nous raconter ce qui se passe ailleurs, on va directement voir.
  • Pour créer un Cliffhanger : on ajoute du suspens en coupant une scène entre deux personnages au moment même où une révélation allait ou venait d'avoir lieu.
  • Pour dynamiser : la bascule permet de casser un peu les codes des entrées/sorties et de dynamiser l'impro.

Pas cool

  • Quand c'est pas nécessaire : quand on commence à maitriser le principe, on en fait tout le temps. Si deux personnes sont ensembles et que leur scène se suffit, ayez l'intelligence de ne pas rentrer.
  • Quand c'est confus : la bascule doit être compréhensible en quelques secondes. S'il nous faut 4mn pour comprendre qu'il y a eu une ellipse, c'est perdu.
  • Quand c'est le bordel : bascule / re-bascule / re-re-bascule... On se calme !
  • Quand on perd l'objectif initial : parfois, on fait tellement de bascule que les personnages principaux finissent par disparaître de l'histoire.